Après la crise financière qui a durement frappé le pays en 2001, la participation citoyenne s’est développée dans tout le pays, appelant à davantage d’ouverture de l’administration et ouvrant la voie au Programme national de Budgets participatifs, le PNPP.
Voyage d’étude
Argentine et Chili
En 2016, je me suis rendu en Amérique latine, en particulier en Argentine et au Chili où j’ai pu rencontrer des experts et des praticiens des Budgets participatifs.
L’équipe du PNPP a été la première que j’ai eu le plaisir de rencontrer avant que l’administration du président argentin d’alors, Mauricio Macri, ne décide sa dissolution.
En 2001, la crise économique et financière et le “corralito” désorganisèrent le pays et provoquèrent l’explosion sociale.
La société civile s’organisa pour amortir les effets de la crise, appelant à davantage d’ouverture dans la gestion de la cité par les gouvernements locaux. Ainsi apparurent les “presupuestos participativos” et le PNPP.
1 Argentin sur 3 vit dans une ville engagée dans un Budget participatif. Apparus après la crise qui a frappé le pays en 2001, les presupuestos participativos sont le résultat de politiques volontaristes locales, mais aussi nationales. A partir de 2007, le Gouvernement argentin a appuyé les initiatives avec le Programa nacional de Presupuesto participativo (PNPP).
Nés en 1989 à Porto-Alegre, il aura ainsi fallu attendre 2002 pour que la démarche passe la frontière brésilienne et soit adopté en Argentine. C’était à Rosario, forte d’1,2 million d’habitants, et à El Huecú, un petit village d’un millier d’âmes. En une dizaine d’années, de deux, le pays est passé à 57 budgets participatifs. Un chiffre aujourd’hui stabilisé, représentant un tiers de la population argentine.
Les presupuestos participativos (PP) argentins sont nés de la crise économique, financière et politique qui a frappé le pays en 2001. Frappé, le mot n’est pas trop fort. Fin 2001, la crise tourne aux émeutes qui font 31 morts. Les Argentins ne sont plus payés, leur épargne s’est évanouie. En dix jours, quatre présidents se succèdent à la Casa Rosada pour stopper l’hémorragie des capitaux. L’un d’eux est même exfiltré par hélicoptère. Finalement Eduardo Duhalde évite l’effondrement du pays.
La crise de 2001
Au début des années 1990, l’Argentine adopte une politique monétaire de parité peso-dollar. Pour la soutenir, les exportations, de l’industrie agro-alimentaire notamment, rapporte des liquidités. Quand son principal partenaire commercial, le Brésil, dévalue sa monnaie. La valeur de ses liquidités baisse. La parité peso-dollar va prendre fin et le peso va s’effondrer.
L’épargne des classes moyennes s’évapore, alors que les plus aisés ont déjà placé leur argent à l’étranger. Pour limiter la fuite des capitaux, le gouvernement impose leur contrôle total par les banques. C’est le “corralito“. Dans un pays où la majorité de la population n’a pas de compte bancaire, c’est la désorganisation. Ajoutée à l’évaporation de l’épargne, au chômage, à l’inflation ou à l’austérité : c’est l’explosion sociale.
Des initiatives locales au Programme national
La crise fait monter la défiance vis-à-vis du personnel politique. Dans un pays où voter est obligatoire, le “voto blanco” progresse. De nouvelles solidarités émergent cependant, réunies en assemblées de quartier, elles réfléchissent à la vie de la cité. Pour Walter Paez, au PNPP de 2009 à 2012, “cette participation citoyenne a appelé à davantage d’ouverture dans la gestion de la cité et incité les gouvernements locaux à y répondre.” Les premiers budgets participatifs argentins sont nés de cette aspiration.
La crise a développé la participation citoyenne, appelant à davantage d’ouverture dans la gestion de la cité par les gouvernements locaux.
Walter Paez, directeur du PNPP de 2009 à 2012
A cette époque, les initiatives fleurissent, en particulier dans les villes dirigées par des partis de gauche. En 2007, la présidence argentine crée le Programa nacional de Presupuestos participativos. Le PNPP accompagne le développement des budgets participatifs en assistant les municipalités dans leurs démarches. Son équipe coordonne aussi le RAPP, le réseau argentin des PP, rassemblant politiques, techniciens et universitaires, depuis 2009.
Assister les municipalités et former leurs agents
Au quotidien, le PNPP avait pour mission d’assister les municipalités au plan technique. “Les questions les plus courantes vont du conseil juridique et normatif pour la création des PP au déroulement du dispositif lui-même : comment dynamiser les ateliers ? comment formuler les projets ? ” expliquait Emiliano Arena, politologue, au sein de l’équipe en 2016. Le PNPP avait ainsi un rôle de formation.
De fait, les Budgets participatifs argentins se révèlent proche de leurs grands-frères brésiliens, empruntant leur modèle pyramidale, avec des assemblées de quartiers qui se réunissent pour définir leurs priorités et élire des délégués. Ces derniers ont également pour mission de construire les projets dont les services municipaux vérifieront la viabilité, avant le vote des citoyens.
Pas seulement des investissements
Au départ, le vote des projets était réservé aux seules assemblées. “La tendance est aujourd’hui à l’ouverture” confirme Cristian Adaro, asesor au sein du PNPP, et privilégie le présentiel. Cependant le vote par Internet existe aussi, comme à Rosario. Les PP visent à faire le lien entre les municipalités et les citoyens. “Dans une administration, chaque corporation a un interlocuteur. Avec les assemblées de quartier, chaque citoyen est en lien à égalité avec l’administration.” fait remarquer M. Adaro.
“Dans une administration, chaque corporation a un interlocuteur. Avec les assemblées de quartier, chaque citoyen est en lien à égalité avec l’administration.”
Cristian Adaro, sociologue
Les montants consacrés aux Budgets participatifs sont en moyenne de 1,8% du budget total à 2% du budget d’investissement et peuvent aussi bien “financer des infrastructures ou l’amélioration du cadre de vie que des actions sociales ou culturelles ou même des programmes associatifs d’intérêt général” poursuit le spécialiste des politiques sociales. Le financement est défini par quartier et les plus populaires bénéficient d’un montant supérieur, dans une optique de justice sociale.
Et l’année suivante ?
Les Budgets participatifs argentins peuvent financer des investissements mais aussi des actions sociales ou culturelles, y compris réalisées par des associations d’intérêt général.
Dès lors, que se passe-t-il pour une action socio-culturelle qui n’est financée que pour un an ? “Il y a trois possibilités. Elle peut s’arrêter, être intégrée au service municipal ou les habitants peuvent la décider à nouveau via le PP ! ” A tester pour encourager l’expérimentation ?
Sous le coup des décisions politiques
Les Budgets participatifs argentins s’inscrivent généralement dans une politique d’ouverture à la société civile. Ils représentent alors la forme la plus complète d’inclusion des citoyens dans la décision publique. Ils restent toutefois tributaires des pouvoirs locaux. Les alternances politiques au sein des municipalités les remettent généralement en question.