En 10 ans, San Antonio est devenu le premier budget participatif du Chili. Cette réussite s’appuie aussi sur un réseau, les “Juntas de vecinos”.
En ce début mai, au cours de cette première réunion d’information sur le budget participatif 2016 (voir article précédent), les délégués prennent tour à tour le micro pour parler de leur expérience. L’une d’elles tranche : “ Nous, on est là pour gagner. Et si on gagne, c’est parce qu’on est organisés.” Organisés, les habitants de San Antonio le sont, car ils s’appuient sur des réseaux de proximité, sans équivalent véritable en France : les “Juntas de vecinos” ou communautés de voisins.
Projet de secteur et fonds communal
Le budget participatif de San Antonio est composé de deux fonds (et même trois avec le budget participatif destiné aux enfants et adolescents). C’est le fonds communal qui a financé les ateliers du centre de réhabilitation. Il est voté par tous les habitants. A titre d’exemple, il a également financé l’amélioration de la caserne des pompiers bénévoles.
Les dirigeants, délégués naturels du budget participatif
Les Juntas de vecinos ont vu, depuis 2011, leur rôle se renforcer avec la loi de participation citoyenne chilienne, au point d’en faire des interlocuteurs des Municipalités et de l’Etat. A ce titre, elles bénéficient d’une “sede” (ou maison des voisins). A San Antonio, les fonds du budget participatif ont d’ailleurs contribué à leur équipement : du mobilier à la cuisine en passant par des toilettes ou à leur sécurisation (clôtures ou alarme communautaire).
A la tête de ces Juntas de vecinos, trois dirigeants élus pour 3 ans. A San Antonio, ce sont en majorité parmi ces dirigeants que se recrutent les délégués du budget participatif, au point que l’équipe du “Presupuesto participativo” parle généralement des dirigeants pour désigner les délégués. Autres personnalités à accéder à ses fonctions, les dirigeants de clubs sportifs. Les citoyens qui défendent une initiative à titre individuel sont plus rares.
La “sede”, cœur du secteur
Les Juntas de vecinos bénéficient d’une “sede” ou maison des voisins. Elle accueille les réunions du budget participatif bien sûr, mais aussi des ateliers et des rencontres associatives (yoga, couture, éveil des enfants…). Elles disposent généralement d’une cuisine car c’est ici qu’ont lieu les “beneficios”, des fêtes lors dequesls les fonds récoltés bénéficient à une association ou à une famille en difficulté.
Une forte capacité de mobilisation
Sur le terrain, ces délégués sont des relais naturels entre la municipalité et les habitants. Ils sont connus de leur quartier, à l’image de cette couturière à domicile qui, à force de porte-à-porte, est désormais une figure locale. Et cette notoriété est encore renforcée par la campagne de télévision, destinée autant à vanter les projets qu’à mobiliser les électeurs.
Le budget participatif ne peut évidemment satisfaire toutes les initiatives. Aussi, au sein d’un quartier – et en lien avec l’équipe du “Presupuesto Participativo”, les Juntas de vecinos collaborent pour définir les priorités et élaborer les propositions. C’est ainsi qu’Omar Vera, l’Alcalde, observe la capacité du programme à créer du lien social et construire la communauté.
Des projets pour le quartier et pour ses habitants
Dans un quartier défavorisé, le budget participatif a financé en 2015 l’achat de plus de 130 portes d’entrée pour les maisons des habitants. L’an passé, ils avaient reçu cinq sacs de ciment par foyer pour rénover leur trottoir et leurs toilettes notamment. Il n’est pas rare, par ailleurs, que les habitants mettent eux-mêmes la main à la pâte pour des projets communautaires, à l’image des tribunes (ci-dessus) rénovées par les adhérents du club.
En marche depuis 10 ans, le budget participatif de San Antonio a su dynamiser les juntas de vecinos pour mobiliser les habitants. En 2016, ils étaient près de 25 000 à se rendre aux urnes. Aujourd’hui, l’équipe réfléchit cependant au rôle des délégués et en particulier comment introduire de nouvelles méthodes de réflexion plus inclusive. Car actuellement, ce sont d’abord les dirigeants qui semblent se concerter entre eux pour proposer les projets.