L’origine des budgets participatifs remonte à 1989. Au tournant des années 2000, après avoir conquis l’Amérique latine, ils sont apparus en Europe. Ils connaissent depuis 2014 un renouveau dans notre pays, avec pour objectif commun de renforcer la participation citoyenne et retisser le lien entre les citoyens et le politique.
Le renouveau des Budgets participatifs en France a été publié initialement au lancement du site, en janvier 2016. Il est régulièrement mis à jour depuis.
En France, l’année 2015 a marqué un nouvel élan pour les budgets participatifs. Paris a renouvelé et amplifié son dispositif, tout comme Metz. Les lancements de ceux de Grenoble, Montreuil et Rennes démontrent que nous assistons au développement d’un nouveau mode de participation. Depuis plusieurs années, les Régions Île-de-France et Nord-Pas-de-Calais font de même dans les lycées (La Région Poitou-Charentes fut précurseur). Il faudra s’intéresser à leur intégration dans les nouvelles Régions et connaître les décisions des nouveaux exécutifs.
D’abord un budget…
La promesse d’un budget participatif, c’est de donner aux citoyens le pouvoir d’agir et ce pouvoir passe finalement par le montant alloué par la collectivité.
Paris consacre ainsi 5 % du budget d’investissement de la mandature au dispositif, soit un demi milliard d’euros sur six ans pour ses 2,240 millions d’habitants, soit 45 € par habitant et par an. En cas de réélection d’Anne Hidalgo, il devait atteindre 500 millions d’euros chaque année.
L’étalement sur la mandature a permis de quadrupler le montant du budget participatif entre 2014 et 2016, passant de 25 à 100 millions d’euros. Grenoble propose un montant plus modeste en fléchant pour ses 160 000 habitants 800 000 €, c’est à dire 5 € par habitant et par an, un montant proche de la moyenne nationale de 6,50 € calculée en 2020 par l’Enquête nationale lesbudgetsparticipatifs.fr.
Montreuil ou Rennes ont, dès le départ, réservé 5 % de ce budget à leurs habitants (avec respectivement 1,5 millions d’euros pour 103 000 habitant et 3,5 millions d’euros pour 210 000 habitants, sur deux ans).
Le Budget participatif s’appuie sur le budget d’investissement.
Le budget d’une collectivité est en réalité composé de deux budgets, le fonctionnement et l’investissement. Avec le premier, elle paie les salaires des agents, les dépenses d’énergie, d’eau, consommables…
Avec le second, elle construit des écoles, rénove la voirie ou achète des véhicules.
Les budgets participatifs ne concernent que l’investissement et les projets ne doivent pas entraînés de frais de fonctionnement (inférieurs à 5 % du montant de l’investissement).
Mon quartier, ma ville
Le budget participatif est à l’échelle de la collectivité. Cependant, les habitants réfléchissent à partir de leur propre expérience de la ville et c’est pourquoi l’échelle du quartier est pertinente, en particulier dans les grandes villes.
A Paris, dès la deuxième édition du dispositif a ainsi créé une échelle supplémentaire, avec l’arrondissement, plus proche des habitants. Et, dès 2016, les quartiers populaires ont été favorisés avec le fléchage de 30 millions en leur direction. De son côté, Montreuil a regroupé ses quartiers en six secteurs, visant une répartition équitable du budget participatif.
Le quartier renseigne a minima sur la situation du projet dans la ville. Mais les habitants ou les collectifs n’hésitent pas à proposer une idée très précise pour une école, une rue ou un espace vert. Les projets à l’échelle de la ville peuvent vite apparaître comme des objectifs généraux, c’est le cas par exemple avec les objectifs d’amélioration des pistes cyclables.
De l’idée au projet
Lors de la première édition, la Ville de Paris avait soumis ces propres projets au vote des habitants.
Dès la deuxième édition, en 2015, le Budget participatif s’appuie sur des projets proposés par les habitants ou des collectifs.A Rennes, la Ville s’est même appuyée sur ses propres agents !
Un site de participation en ligne collecte plus de 5000 idées (3162 en 2016, lire l’explication ici). Dans les autres villes, les chiffres sont évidemment plus modestes, en raison d’une population moindre. Grenoble comptait 164 idées déposées en 2015 et 180 en 2016, Montreuil : 287, Metz : 713 puis 808 et Rennes 992.
Montreuil a donné en amont du dépôt des idées des exemples concrets et chiffrés pour la plantation d’un arbre, la pose d’un banc jusqu’à la rénovation complète d’un espace vert ou la piétonisation d’une rue (vidéo, pictogrammes).
Une première à anticiper
En 2015, les Parisiens ont proposé 5115 idées. 1376 ont été jugées recevables et, après examen et chiffrage, 938 projets sont apparus réalistes.
Un regroupement de projets similaires a permis à 77 projets parisiens et 574 projets d’arrondissements d’être soumis au vote.
La priorité pour la première édition du Budget participatif est d’anticiper et de s’organiser pour être en mesure d’analyser les projets déposés et réaliser ceux votés.
Une participation-record n’est pas l’objectif numéro 1.
Une première édition marquée par la complexité peut avoir des répercussions sur les suivantes.
Une démarche transparente
Le cadrage de la démarche favorise la pertinence des idées soumises aux services municipaux. Ce sont eux qui vont analyser la faisabilité technique et financière, la légalité et le caractère d’intérêt général des projets.
Partout, un effort de pédagogie est observé pour expliquer aux habitants pourquoi leur idée n’a pas été retenue. A ce titre, le budget participatif peut aussi avoir pour effet de mieux donner à comprendre l’action publique d’une collectivité et ses compétences.
A Paris et Rennes, les projets soumis au vote sont finalement présentés lors d’« Agora citoyenne », après consultation d’une commission consultative (composé des conseils de quartier en particulier).
A Grenoble, le déroulé varie sensiblement. Porteurs de projets et citoyens sont réunis en amont des études des services techniques, pour découvrir et donner leur avis sur les projets, en vue d’en sélectionner une trentaine, au cours d’une journée conviviale.
Aux urnes citoyens !
Au final, les projets qui remportent la plus large adhésion sont intégrés au budget d’investissement de l’année suivante avec un objectif de réalisation rapide. De l’idée à sa concrétisation, il apparaît qu’une durée de deux ans maximum renforce la cohérence de la démarche.
Les modes de scrutin varie. A Paris par exemple, les habitants pouvaient voter une fois pour des projets à l’échelle de la ville et une fois pour des projets à l’échelle de son arrondissement dans une limite de 10 projets. A Montreuil, le vote se déroule par secteur et les habitants votent pour plusieurs projets, par ordre de préférence.
Partout, le vote est ouvert à tous les habitants, sans condition de nationalité et la majorité n’est pas requise. Un Montreuillois (accompagné d’un adulte référent) peut voter, dès 11 ans
La participation
La participation des citoyens est à la hausse, à l’image de Paris où elle s’est accrue de 64 % avec près de 67 000 votants dès la deuxième édition. Elle représente alors 4% de la population. Aujourd’hui, elle est de près de 11% des Parisiens et dépasse les 25% pour le Département du Gers.
Nouveaux, les Budgets participatifs manquent encore de notoriété et doivent prouver aux habitants qu’ils peuvent faire confiance à la démarche.
Enfin, le Budget participatif n’est pas si évident. Il ne s’agit pas de participer au budget mais de participer par le dépôt ou le vote de projets qui sont financés par la collectivité.
Bilan | des idées pour demain
Les projets « gagnants » ou « lauréats » marquent la volonté des habitants de se réapproprier leur ville et son espace public. L’aménagement de carrefours en places, la demande d’une plus grande place donnée aux piétons et aux cyclistes et la sécurisation de leurs parcours, la revendication de plus de nature en ville en sont quelques exemples. Et les projets qui n’ont pas remporté l’adhésion aujourd’hui seront peut-être ceux de demain…